N. ROUSSEAU: L'étymologie dans la lexicographie médicale grecque

Nathalie Rousseau (Université Paris-Sorbonne, France)

La place des explications « étymologiques » dans la lexicographie médicale grecque

Dès les débuts de l’érudition alexandrine, le vocabulaire médical a fait l’objet d’une intense activité lexicographique, à la fois pour des raisons exégétiques – Bacchéios de Tanagra (IIIe s. av. J.-C.), par exemple, est à la fois connu en tant que commentateur d’Hippocrate et en tant qu’auteur d’un lexique hippocratique qui constitue une source importante de celui d’Érotien (Ier s. apr. J.-C.) –, et pour des raisons didactiques, comme en témoigne la préface du traité de Rufus d’Éphèse (Ier s. apr. J.-C.) sur le Nom des parties du corps humain, qui rappelle que l’enseignement d’une science commence par celui de sa nomenclature. Cette activité lexicographique n’étant pas dissociée de l’ensemble des pratiques philologiques, il n’est a priori pas étonnant qu’un traité comme celui de Soranos sur le nom des parties du corps humain soit évoqué sous le titre d’Étymologies par une partie de la tradition – à ceci près que ce titre apparaît justement dans une somme étymologique plus tardive, celle d’Orion de Thèbes (Ve s. apr. J.-C.), qui fournit, avec les lexiques étymologiques byzantins Etymologicum Gudianum et Etymologicum magnum, l’essentiel des fragments conservés de l’ouvrage de Soranos. De fait, la rareté des mentions de l’« étymologie » (par le substantif ἐτυμολογία, le verbe ἐτυμολογεῖν « pratiquer l’étymologie, étymologiser » ou leurs dérivés) dans la lexicographie médicale pose question. En effet, l’insistance avec laquelle Galien rappelle que l’étymologie fait partie des « prémisses » (λήμματα) « inappropriées » (οὐκ οἰκεῖα) aux « démonstrations scientifiques » (ἐπιστημονικαὶ ἀποδείξεις) semble suggérer qu’elle y avait une certaine place ; le médecin de Pergame, d’ailleurs, convoque en plusieurs occasions ce qui constitue, selon la Grammaire attribuée à Denys le Thrace, la quatrième partie de l’art grammatical, la « découverte de l’étymologie » (ἐτυμολογίας εὕρεσις). Or examiner la place qu’occupe l’étymologie dans la lexicographie médicale suppose de déterminer quelles sont, dans l’ensemble des explications que celle-ci fournit, celles qui pouvaient être considérées comme « étymologiques » par les Grecs eux-mêmes, en faisant abstraction des présupposés véhiculés par l’emprunt du terme dans nos langues modernes (all. Etymologie, angl. etymology, it. etimologia…). En examinant les explications expressément caractérisées comme « étymologiques » par les Anciens, mais aussi en s’interrogeant sur la fonction d’assertions telles que ὥσπερ τοὔνομα δηλοῖ « comme son nom l’indique », cette étude, tout en portant sur un corpus particulier, tentera d’apporter une contribution à une réflexion générale sur les moyens d’identifier les ἐτυμολογίαι des anciens Grecs.